lundi 16 novembre 2015

Hellé et l'Assiette au beurre




L'Assiette au beurre fut le principal magazine satirique et libertaire de la Belle époque, ferraillant avec virulence contre toutes les autorités et institutions, en particulier l'église catholique.
Dès son apparition, elle se distingue des autres feuilles humoristiques françaises par sa composition inédite, qui fait la part belle aux illustrateurs : chaque numéro est édité en format album et comprend dessins et caricatures en bi- ou trichromie, s'étalant en pleine (ou double) page. 

180 illustrateurs ont contribué à L'Assiette au beurre, parmi les plus intéressants de l'époque, dont certains, tels Kupka ou Van Dongen, sont devenus des artistes célèbres. 

Régulièrement, un artiste confirmé se voit confier la réalisation intégrale d'un numéro et c'est ainsi qu'André Hellé assumera quatre numéros complets, que l'on peut feuilleter in-extenso sur le site BNF-Gallica. On y constate la très nette et rapide évolution de son style, dans ces années charnières.




- N° 179 du 3 septembre 1904, Plaisirs parisiens (les dessins originaux sont conservés dans une collection privée).

- N° 364 du 21 mars 1908, De vilains masques.



- N° 425 du 22 mai 1909, Le royaume bulgare.

- N° 475 du 7 mai 1910, Le grand soir (l'original de la couverture est conservé par la Bibliothèque nationale de France).



Nous avons répertorié par ailleurs une quinzaine de participations d'André Hellé à d'autres numéros entre 1903 et 1910  : 

- N° 121, 25 juil 1903, Pape et papabili (deux dessins pleine page).
- N° 129, 19 septembre 1903, Erreurs judiciaires (deux dessins).
- N° 140, 5 décembre 1903, Le Maroc (un dessin).
- N° 148, 30 janvier 1904, La question d'Alsace-Lorraine (un dessin).
- N° 190, 19 novembre 1904, Le sauvetage de l'enfance (trois dessins).
- N° 198, 14 janvier 1905, Les palmes (deux dessins).
- N° 239, 28 oct. 1905, Profits et pertes (un dessin).
- N° 361, 28 février 1908, Les vagabonds (deux dessins pleine page). 
- N° 423, 8 mai1909, Les artistes… Au profit d'Aristide Delannoy, détenu pour délit d'opinion (un dessin couleur).
- N° 447, 23 octobre 1909, Les fraudes (double page en couleurs).
- N° 472, 16 avril 1910, Les congrégations des liquidateurs (deux dessins pleine page).


BM 



dimanche 15 novembre 2015

Jouets en guerre


Exposition à la médiathèque de Saint-Maur (94)

La guerre des jouets - André Hellé, 1914-1918






mardi 6 octobre 2015

Croisements




Chapitre 1

Nous connaissons le goût immodéré du jeune André Laclôtre (futur Hellé) pour ses régiments de soldats de plomb et de bois tourné. Il en truffera ses illustrations à l'âge adulte. En voici un parfait exemple avec le grenadier Bibi Tapin, héro du "Petit journal illustré de la jeunesse" en 1906. Notons que ce "Régiment aux petits pois" est commandé par un certain général Patapoum...




Chapitre 2

André Hellé n'a pas inventé ce personnage de Bibi-Tapin, qui fut créé en 1861 par Ernest Capendu et fut assez populaire jusqu'à la fin du siècle. On peut imaginer sans mal qu'Hellé puise, à son habitude, dans ses émotions et souvenirs d'enfance. En revanche, le général Patapoum semble être de son invention. 



Chapitre 3

Nous reconnaissons le graphisme si caractéristique des soldats d'Hellé dans ce coffret de 6 cubes lithographiés (sans date - années 1930 ?) appartenant au Musée du Jouet ancien de Wambrechies dont nous remercions vivement le directeur, M. Franck Astruc. Le coffret contient 5 planches d'images à recomposer ; la sixième servant habituellement de décor au coffret de bois (comme ici en dernière position). Le nom de "Patapoum" apparaît clairement inscrit dans un cartouche de la 4e séquence et rappelle d'évidence la revue ci-dessus. 


L'analyse des planches montre cependant deux types de dessins en disharmonie et tend à prouver que l'illustrateur des cubes a "emprunté" les soldats d'Hellé pour les insérer dans des scènes de jouets animés platement cernés. Piratage très fréquent dans ce type de jeux, rarement attribués. La vache semble, elle aussi, provenir d'un autre univers et rappelle la manière de Benjamin Rabier.




Chapitre 4

Une récente vente aux enchères révèle une seconde version de plus grand format (20 cubes ?) avec deux nouveaux visuels : l'attaque du fort et l'accolade finale. Hic : une image fait malheureusement défaut et ne permet pas de rétablir une éventuelle chronologie. S'agirait-il à l'origine d'une histoire complète, inspirée par un fan d'Hellé et largement étoffée par ses soins ? Pourra-t-on en retrouver la trace au hasard d'un autre magazine pour la jeunesse ? L'enquête continue...


Alerte :


Le nom du fabricant du jeu de cubes nous reste encore inconnu mais nous disposons de son logo (au centurion ?) et le soumettons à
la sagacité d'un amateur éclairé. Merci de tout complément d'information. 

BM

dimanche 28 juin 2015

Smileys animés



Vers 1905, André Hellé créa une signature pictogramme, qu'il utilisera durant une dizaine d'années. Il en fit même un logo, qu'il déposa à l'Institut National de la Propriété industrielle en 1910.




Ce pictogramme auquel Hellé s'amusa à donner quantité d'expressions différentes est l'un des ancêtres de nos modernes "smileys", nés dans les années 1960. Il est très possible qu'Hellé ait été inspiré par Roubille, qui avait déjà utilisé un monogramme formant un visage dès 1900, même si ce dernier était moins stylisé et moins expressif que celui d'Hellé (voir par exemple ici).

Nous caressons depuis longtemps l'idée de réaliser un folioscope (flip book) à partir des "smileys" d'Hellé. Un ami des Amis d'Hellé, que nos remercions vivement, a réalisé un très joli petit film d'animation à partir d'un échantillon de ces pictogrammes.

Cela rappelle les débuts du cinéma d'animation, qui naît dans la même période, et ce n'est peut-être pas un hasard. Le premier dessin animé, réalisé en 1906 est d'ailleurs intitulé "Humorous phases of funny faces".




lundi 15 juin 2015

Voici l'enfant qui reprend sa place



"André Hellé est, parmi les artistes, celui qui aura le plus fait 
pour le progrès esthétique du jouet"






Un article très musclé de Léo Clarétie, le "pape" du jouet, 
contre "le jouet boche". 

L'article est paru en octobre 1916 
dans le numéro 42 de la revue "Les amis de Paris".

La présence des oeuvres d'André Hellé à chaque page de cet article prouve que la notoriété de l'illustrateur est à son zénith à cette époque.





vendredi 8 mai 2015

Des jouets d'Hellé chez Pierda






Au début des années 1930, Pierre Portelette (1890-1971) s'engage dans un partenariat exclusif avec les éditions Delagrave afin de créer une collection d’albums photographiques pour enfants sous le pseudonyme de Pierda.



Le succès remporté par un premier "Alphabet" où il fait intervenir ses deux jeunes enfants en 1934, entraînera un second Alphabet sur le thème du jouet en 1935. "Ne bougeons plus" sera adapté en album un an plus tard aux USA sous le titre "I'll take your picture" avec la fille de l'artiste en couverture des deux albums. 



C'est à la lettre "F" comme "ferme" que nous découvrons les bâtiments de bois du "Village français" crée par Hellé et Carlègle en 1913 : maisonnettes, moulin à eau, appentis de jardin et meules de foin. Ces jouets ne sont cependant plus en vente à l'époque des prises de vue, preuve de l'attachement durable du public à ces simples volumes de bois, évocateurs de la campagne française.



Les autres figurines en ronde bosse sont en plomb ou en aluminium (animaux, fermière, paysan, barrière, arbres et mare aux canards) et semblent relever de la célèbre marque Quiralu. Pierda s'est ainsi emparé de jouets hétéroclites, d'époques et styles divers, pour composer son propre univers imaginaire, exactement comme le font les enfants...



BM



* Pour en savoir plus sur ce livre, voir l'étude de Juliette Lavie parue dans la Revue des livres pour enfants (en ligne ici).



"Ne bougeons plus" photos de Pierda, Ed Delagrave 1934



 Version américaine ("I'll take your picture", Artists and Writers guild, 1935)



















mardi 28 avril 2015

Fables en stock


Edition de 1946


La découverte récente d'une version inconnue des Fables de La Fontaine, illustrées par André Hellé et publiées par Berger Levrault, nous a amenés à confronter nos diverses éditions du même ouvrage. 


Nous connaissions une édition colorée au pochoir (sans date), publiée vraisemblablement en 1922, et une édition plus tardive, réalisée en zincographie (ou lithographie) datée cette fois de 1946 et réimprimée en 1949 à titre posthume.




Edition de 1922


La couverture de ce nouvel exemplaire attira notre attention d’entrée de jeu : si les troncs des arbres qui encadrent le motif central (où apparaît le loup) sont d’un violet soutenu, comme dans l'édition originale de 1922, le fond de ciel, initialement blanc, est ici couleur bleue pâle.


Après moult comparaisons et calculs minutieux de piques de hérisson, zébrures de zèbre et autres poils de girafe - que nous n'avons cependant pas peignée - il s'avère que nous étions bien en présence d'une édition intermédiaire qui fut le modèle de l'édition posthume de 1946 sur bien des plans.


Nous observons en premier lieu que les deux fables de l’édition originale sur le thème de la mort - "La Mort et le Malheureux" (p. 22-23) et "La Mort et le Bûcheron" (p. 24-25) - ont disparu et ont été remplacées (aux mêmes pages) par "Le Lion abattu par l'Homme" et "Le Corbeau voulant imiter l'Aigle". On peut imaginer que le thème macabre fut rapidement jugé inopportun dans une édition destinée à la jeunesse.


 




Notre nouvelle édition est colorée au patron comme la version initiale ; les couleurs sont de même vivacité mais les bleus, si nuancés à l’origine, sont devenus plus criards et moins heureux. Par ailleurs, les plages beiges ou vertes des prairies et des feuillages ont été modifiées à de multiples reprises et seront maintenues dans l'édition posthume de 1946.



Enfin, si cette nouvelle édition reprend les quatre titres mentionnés précédemment à la rubrique « Du même auteur » : ABC de la Guerre ; Quillembois ; La Belle Histoire que voilà  et Le Livre des Heures héroïques ; elle l’augmente de trois nouvelles références publiées chez Berger-Levrault pendant la guerre: deux boîtes de jeux de lettres et une série d’ albums à colorier, à savoir: ABC de La grande Guerre : 84 lettres mobiles avec dessins en noir ; Jeu de l'alphabet de La Guerre : 84 lettres mobiles avec dessins en couleur et Albums à colorier pour nos Enfants (trois volumes). Ces trois derniers titres laissent imaginer que notre nouvelle édition fut publiée très peu de temps après l'originale de 1922. Nous suggérons de la dater entre 1923 et 1924 et dans tous les cas, avant 1926 où les premiers albums à découper et à colorier d’André Hellé (Le port breton, La fête au village nègre, etc.) n’auraient pas manqué d’être listés par l’éditeur Berger-Levrault.



En résumé nous proposerons trois éditions successives des Fables pour compléter notre bibliographie d'André Hellé : 


- 1922, édition originale, au pochoir, incluant les deux fables sur la mort.

- 1923-24, réédition, au pochoir, deux nouvelles fables remplacent les précédentes.

- 1946, édition posthume, réalisée en zinco ou lithographie, à partir de la seconde impression. En couverture, les troncs des arbres sont de couleur marron.

- 1949, idem.



Pour être complet, nous n'oublierons pas l'édition américaine de 1940, tirée en offset : The Fables of La Fontaine, New York, Harper Brothers.



Jean-Hugues Malineau 

vendredi 3 avril 2015

Bande dessinée



Notre précédent billet vantait les qualités iconographique et analytique de l'album Primavera (éditions Faton, 2014) dont l'auteur, M. Alain-René Hardy nous gratifiait de quelques pages choisies. 

Il y démontrait la stratégie artistique de Pierre Laguionie (co-gérant du Printemps) qui décida dès 1912, d'instituer un Atelier d'Art (le premier) au sein d'un grand Magasin.

La connivence entre le patron d'industrie et l'artiste-designer André Hellé est encore confirmée par une publication de 1910 qui reprend, en noir et blanc, la frise en couleurs du catalogue de jouets qu'André Hellé décora pour les Magasins du Printemps en 1909.

Couverture du catalogue 1909  (collection J.-H. Malineau )
 



Extrait  de "L'art et l'enfant", n° 29, volume V, janvier-février 1910

(Cliquer sur les images pour les agrandir)
 




 

mardi 3 mars 2015

Art déco







Primavera fut le premier atelier d'art créé en 1912 au sein d'un grand magasin, le Printemps. Ce studio de "design" jouera un rôle considérable dans la naissance et la diffusion du style Art déco, comme celui des Galeries Lafayette (La Maîtrise) et, dans une moindre mesure, ceux du Bon marché et du Louvre (Pomone et Le Studium).

Son histoire dévoile la collaboration pionnière entre Pierre Laguionie (co-gérant des Magasins du Printemps) et l'illustrateur-designer André Hellé dans le domaine du mobilier "moderne" pour enfants, dès 1910.

Nous adressons nos plus vifs remerciements à l'auteur, M. Alain-René Hardy, ainsi qu'aux éditions Faton, qui nous permettent de relayer quelques pages du spectaculaire album qu'ils consacrent à l'aventure artistique de Primavera  (1912-1972).


Pour plus d'informations sur le livre : cliquer ici









La reconnaissance d'Hellé pour l'éditeur de ses meubles et jouets est d'ailleurs attestée par une précieuse dédicace d'Hellé au patron du Printemps, sur un album qu'il lui offrit en 1926 :

"Pour mon ami Pierre Laguionie, le récit de ce petit drame qui se passe dans un rayon de jouets. Et en souvenir reconnaissant de l'aide bienveillante que j'ai reçue de lui pour faire vivre toutes ces petites choses, autrement que sur du papier."



Histoire d'une boîte à Joujoux, Tolmer, 1926, collection JD





lundi 16 février 2015

Menu de château



Nouvelle trouvaille de Marie-Christine d'Hérouville, un grand menu illustré par Hellé, colorié au pochoir, qui était jusqu'ici inconnu. 


 


On admirera en particulier l'étonnant bandeau en aplat évoquant le jardin, qui relève presque de l'expressionniste abstrait avant l'heure...



Un mystérieux château digne de celui de Moulinsart figure dans la vignette supérieure...




Pas si mystérieux en fait : il s'agit du château de Chilly-Mazarin, construit en 1825 et remanié en 1903, qui héberge aujourd'hui la mairie de la ville. 

On remarquera d'ailleurs que le menu comprenait des "petits pois de Chilly".

 Quant au thème des jardiniers, il s'explique peut-être par un clin d'oeil : cette demeure fut construite par un certain Monsieur Jardin...








Dessine moi un mouton...




Une belle aquarelle d'Hellé, jointe à une exemplaire de l'Alphabet de la Grande guerre, proposée par la librairie Tiré à part à Marseille. 

Elle fut offerte par Hellé à un certain Duhalde, "compagnon d'armes pour intérêts composés"...


 © Librairie Tiré à part


 La scène disait quelque chose à une émérite amie d'Hellé, et pour cause : Hellé a utilisé ce dessin pour une vignette parue le 5 mai 1912 dans le quotidien "Le Journal", dans sa rubrique "la vie drôle".




lundi 2 février 2015

Jouets cultes



A travers l'histoire des "Jouets cultes du XXe siècle", c'est toute l'histoire du design, des inventions et des techniques qui est mise à l'honneur par les éditions de La Martinière.

Parmi ces jouets souvent inscrits dans notre mémoire collective, l'arche de Noé d'André Hellé (1911) est particulièrement sublimée par les jeux de lumière et les gros-plans détaillés de Laziz Hamani, qui ne fait pas l'impasse sur les marques d'usure, véritable métaphore du temps qui passe.

Un bel album sur l'univers de l'enfance, à feuilleter au gré de l'objectif poétique du photographe. Nous remercions vivement l'éditeur qui a accepté de partager ces quelques clichés avec les amis de l'artiste.

Jouets cultes du XXe siècle, par Dorothée Charles, Brigitte Durieux, Claire Didier et Laziz Hamani.




Photos © Laziz Hamani / la Martinière